Oeuvre de M. C. Escher

samedi 24 décembre 2011

Lythandra


Lexique de l’univers de The Witcher (créé par Andrzej Sapkowski)

Kaedwenn : Pays dont la capitale est Ard Carraigh
Orin : Monnaie en usage en Témérie, Sodden, Ellander et à Mahakam.
Scoia'tael : Mouvement de résistance formé par les races dites « non-humaines ». Il prône l’indépendance de ses races (telles que les Elfes et Nains) qui souffrent ouvertement de racisme de la part des humains.
Wyzima : Capitale de la Témérie.




Le blanc, d’ordinaire si pur de la neige, était entaché par un sillon écarlate. L’elfe traînait le cadavre du nain depuis une bonne lieue. Depuis la forêt où elle l’avait rattrapé, on distinguait en avant du sinistre équipage la fumée issue des cheminées du village. L’elfe espérait toucher une solide récompense ; elle n’avait  comme de coutume pas trop abimé sa prise et le bourgmestre avait promis une centaine d’orins à qui se chargerait du sort de ce misérable.
Elle arriva enfin au village, et se dirigea calmement vers la mairie, même si la hutte n’était pas plus imposante  que les autres alentour.  Ce qu’elle détestait le plus était le regard des humains. Bien sûr elle faisait avant tout partie de cette race inférieure qu’étaient les « Oreilles Pointues », mais ce qui dérangeait le plus les hommes c’était son gagne-pain. Elle n’hésitait pas à écumer les panneaux des auberges à la recherche de contrats, et s’échinait à les exécuter sans éprouver aucun remords. D’ailleurs ce nain n’avait pas la moindre chance, elle pratiquait l’arc depuis qu’elle était jeune et à l’âge de 130 ans, elle ne ratait plus aucune cible.  On ne prit même pas la peine de la recevoir : le bourgmestre avait abandonné devant la porte une vieille charrette de bois. L’elfe y déposa le corps et se saisit de la bourse clouée sur le côté de la carriole.
Elle avait prévu de quitter le village dans le courant de la soirée, mais le blizzard contra ses plans. Elle décida donc, à contre cœur, de passer une nuit à l’auberge. Sur la place devant le « Poney Fringant » trônait les restes d’un elfe pendu. C’était le sort que l’on réservait à ceux qui avaient rejoint la Scoia'tael. L’elfe fit mine de l’ignorer et s’avança jusqu’à la lourde porte de bois.

Une sensation de chaleur la traversa aussitôt. Malgré la tempête au dehors, les hommes ne se laissaient pas aller. Un petit attroupement écoutait le poète ambulant qui avait été lui aussi surpris par la tempête en se rendant à Wyzima. Une autre poignée s’adonnait au pugilat dans un coin de l’auberge. Quant au reste, il savourait l’infecte bière locale. La serveuse avait fort à faire, d’ailleurs on ne comptait plus les allers et retours où la brune convoyait par train de six les choppes du breuvage ambré. Notre elfe s’assit au comptoir et commanda une bière Kaedwenne,  un breuvage beaucoup plus assimilable que ce que buvait la majorité ; elle réserva également une chambre. Un homme semblait jouer de malchance dans ses paris au pugilat. Au bout d’un moment il décida de tenter sa chance auprès de l’elfe. Il s’assit à sa droite et sorti dans le plus pur raffinement qui le caractérisait :
« C’est combien pour une nuit ? »
L’elfe ne prit même pas la peine de détourner le regard de sa pinte. Elle répondit sur un ton calme :
« - Allez au sous-sol, il y a sûrement plein de filles qui accepteront vos orins… 
- Oui, mais au sous-sol y a pas d’oreilles pointues ! » dit-il en passant ouvertement sa langue sur ses lèvres gercées par le froid.
L’elfe but une autre gorgée et enleva discrètement sa main gauche du comptoir, la ramenant sur sa cuisse gauche. L’homme quant à lui osa effleurer la chevelure acajou de la tueuse…  Cette dernière, faisant mine d’ignorer la main du goujat, repoussa violement la paume de sa main gauche vers l’arrière. Aussitôt, la tablée où était assis l’auditoire du barde vola dans les airs. Le rustre détourna son attention de l’Elfe, lui laissant le temps d’agir : elle s’éclipsa discrètement et puis gravit rapidement les escaliers qui la séparaient du premier étage. Au cours de sa longue expérience elle avait appris à éviter au maximum les ennuis, et surtout à ne jamais laisser transparaître sa supériorité. Toujours laisser croire à l’ennemi qu’il a l’avantage pour mieux le prendre au dépourvu. Mais c’était sans compter sur la promptitude du rustre qui la poursuivi. A l’étage il la suivit le plus discrètement possible dans le couloir issu de l’escalier, puis dans un autre à angle droit. Au tiers de ce dernier, l’elfe stoppa net, mais sans se retourner. L’homme laissa alors transparaître toute sa virilité dans sa phrase :
« Tu as donc compris que les elfes n’ont pas le choix. Ce soir tu vas voir ce que c’est qu’un homme, un vrai. Je suis très différent de tes faiblards de congénères ». Il continua à avancer vers l’elfe qui ne pipait mot. Elle se détendit, l’homme se pensa vainqueur. Quand il arriva à moins de deux pieds de l’elfe, elle dit, sur un ton toujours aussi froid qui le glaça jusqu’à l’os :
« C’est moi qui vais te tailler les oreilles en pointes ! »
Une seconde plus tard l’homme avait une courte épée plantée dans le bas-ventre. Puis l’assassin dégagea en un tour de main la lame elfique et trancha la carotide du malheureux, coupant court à ses gémissements qui n’avaient plus rien de viril. Elle plaça rapidement sa main gauche sur la gorge de l’homme qui était encore vivant, pour réduire le saignement susceptible de la trahir. Après avoir rengainé son coutelas, elle se saisit de la clef de la chambre attachée à la ceinture de l’homme, ouvrit la chambre n°8 et y jeta sa victime avec une force insoupçonnée. Elle verrouilla la porte à double tour et s’en alla vers sa propre chambre d’un pas décidé. L’homme eu le temps de méditer les conséquences de son acte pendant de très longues minutes, qui lui parurent une éternité.

Les rayons du soleil percèrent à travers les épais carreaux de la fenêtre. L’elfe était levée depuis un petit bout de temps et commençait à se vêtir. Elle ne portait point de cotte de maille et leur préférait une simple cuirasse en cuir ainsi qu’une paire de chausses de la même matière. Enfin elle enfila une mante vert sapin et recouvra sa longue chevelure du capuchon. La chambre ayant été payée la veille, elle put se permettre de ne pas ressortir par l’entrée principale : la neige fraiche amortit son saut du premier étage, derrière elle la fenêtre restait grande ouverte. Elle se dirigea d’un pas décidé vers la hutte du bourgmestre. A la lueur du soleil fraîchement levé elle examinait les contrats disposés sur le mur, à la recherche du nom de Marcus Vertz, néanmoins ce n’était pas la cible mais le commanditaire qu’elle s’échinait à trouver. Un de ses contacts lui avait conseillé de traiter avec lui. Il offrait un contrat à 350 orins, une coquette somme. Contrairement aux autres contrats, Marcus souhaitait rencontrer en personne ses futurs employés, il était précisé sur l’affiche qu’on pouvait le rencontrer au sous-sol du « Poney Fringant » tous les soirs. « Encore un homme qui passe sa vie au Bordel… » pensa l’elfe.

A la nuit tombée, la trappe menant à la maison close fut ouverte par un personnage agile dont le visage était masqué par une capuche de couleur vert foncé. L’elfe descendit l’échelle et tomba nez à nez avec une femme d’une vingtaine d’années, les cheveux rouge feu et un décolleté provoquant :
« - Salut trésor, une p’tite baise ?
- Pas ce soir ma grande, j’ai à faire. » dit l’Elfe en l’écartant délicatement. Son professionnalisme et sa sagesse l’empêchaient de céder facilement à de quelconques pulsions. Elle se dirigea vers une petite table ronde en bois, sur laquelle un homme vêtu de noir se délectait d’une bière et de la vue du postérieur d’une des filles. Ce dernier correspondant à la brève description faite sur l’affiche, l’Elfe lui dit :
«  - Monsieur Vertz ? Je souhaiterais me charger de votre contrat. »
Il leva lentement les yeux et répondit :
« - Une elfe ? Je vous en prie, prenez place. Je pense que c’est à vous qu’on doit la mort de Gloin ? Ça faisait pas mal de temps que ce voleur nous délestait de nos biens… Vous m’avez l’air compétente.»
Elle ne prit même pas la peine de répondre à ces compliments et déclara donc simplement :
« - Qui est la cible ?
- Quelqu’un souhaite clouer définitivement le bec de ce barde qui a fait escale ici, un certain Jaskier. Il souhaite aussi que sa disparition ne s’apprenne que le plus tard possible. Vous pouvez faire ça ?
- Oui, mais il va falloir l’approcher d’assez près et j’aurais besoin de votre aide. Je connais des plantes inoffensives qui une fois mélangées dans les bonnes proportions pourraient ôter la vie au plus endurci des guerriers, et ce même plusieurs heures après l’ingestion. Ce barde ne recherche-t-il pas quelques auditeurs ?
- Je vois que votre réputation n’est pas éhontée. Dans combien de temps serez-vous prête ?
- Demain dans la matinée… » Elle se leva et disparu dans la pénombre.

Le lendemain Jaskier était au comptoir de la seule auberge du village. Il réglait sa note et s’apprêtait à partir, la tempête s’étant enfin calmée. Soudain un homme vêtu de noir l ‘interpella. Ce dernier avait un visage rond, les yeux noisette et les cheveux bruns coupés assez court. Pas du tout le genre d’homme à vouloir la mort d’un autre, du moins en apparence :
« - J’ai appris votre départ, je n’ai pas pu être présent plus tôt, aussi auriez-vous l’obligeance de nous jouer quelque chose ?
- Ah un auditeur ! Mais vous avez dit « nous », où sont vos compagnons ? »
A ce moment l’elfe surgit d’un coin ombragé, elle ôta sa capuche, dévoilant ainsi un visage fin orné de tatouages de couleur améthyste. Ses yeux émeraude fascinaient toute personne qui scrutait son visage. Elle prit place à une table en déclarant :
« - Voyons voir mon cher Marcus si les rumeurs disent vraies sur le talent de ce barde !
- Soit, soit, prenez place mes amis, le temps de réaccorder ce Luth et vos oreilles seront charmées à jamais.
- Je vous offre un verre en attendant messieurs. » dit l’elfe en se dirigeant vers le comptoir. Elle revint quelques minutes plus tard non sans y avoir versé discrètement quelque substance. Une puis deux et trois chansons passèrent. Une fois leurs verres respectifs terminés, notre Elfe dit :
« - Que penseriez-vous de continuer ce voyage lyrique en extérieur ? Le soleil perce en ce moment même.
- Excellente idée, renchérit Marcus, je connais à ce propos une clairière fort agréable non loin du village.
- Et bien c’est entendu » dit Jaskier.

Vertz disait vrai : la clairière fut rapidement atteinte. Les auditeurs se posèrent sur deux petites pierres et Jaskier commença un nouveau morceau. L’elfe remarqua alors qu’il suait à grosses gouttes et qu’il enchaînait fausse note sur fausse note. Soudain il lâcha le luth et s’effondra telle une masse.
Quelques minutes plus tard Vertz vérifia que son cœur ne bâtait plus et dit :
« - Beau boulot ma douce, puis-je connaître votre nom ?
- On me nomme Lythandra…
- Je crois que vous avez bien mérité vos orins. »
Il lui remit ses orins et attendit qu’elle ait recompté la somme pour partir. Mais au moment de regagner le village, un petit détail retint son attention : quand il jeta un dernier coup d’œil au corps du barde il vit que ce dernier semblait respirer, il se retourna donc vers la tueuse mais là sa jambe droite refusa d’obéir. Il insista mais elle ne bougeait pas. Son autre jambe fit de même, puis ses bras. Une sensation de panique l’envahit à mesure que la paralysie gagnait tous ses muscles. Il s’effondra lamentablement par terre en respirant rapidement. Soudain un dernier muscle de son corps cessa de fonctionner : le diaphragme. Une lente asphyxie commença alors. Les yeux verts de Lythandra envahirent son champ de vision et elle dit :
« Je ne suis pas votre douce… » tout en ajoutant :
« Les affaires sont les affaires, vous le savez mieux que moi… ». La tueuse se dirigea vers le Barde et l’aida à se relever. Entre deux quintes de toux il réussit à dire :
« - Mais que s’est-il passé ? Pourquoi suis-je tombé ? Pourquoi ai-je du mal à respirer ?
- Ce sont les effets de l’élixir que je vous ai fait boire, ça devrait passer. »
Il vit alors le cadavre de Vertz :
« - Mais pourquoi ?
- Il me fallait approcher Vertz suffisamment près pour endormir sa méfiance. Vous avez de la chance Jaskier je n’ai pas reçu de contrat vous concernant, autrement vous ne vous seriez jamais réveillé…
- Merci, heu Lythandra c’est ça ?
- Appelez-moi par mon prénom, Doledrien, pas ce vulgaire pseudonyme. Allé, filez et surveillez vos arrières ! »
Il s’en alla, l’elfe fit de même mais vers le village.

Quelques jours plus tard Jaskier marchait sur un chemin de campagne dans une forêt blanchie par l’hiver quand cinq bandits lui coupèrent la route.
« - Et toi le barde, la bourse ou la vie ?
- Messieurs vous faites une lourde erreur ! Vous n’aurez rien… »
II dégaina le poignard qu’il portait à la ceinture. Un à un les bandits tombèrent… Le barde se retourna alors vers l’arbre d’où l’elfe avait bandé cinq fois son arc. Il s’apprêta à la remercier quand celle-ci banda une sixième fois son arme, dessinant une trainée de sang dans la neige fraîche. Elle avait exécuté son nouveau contrat aussi froidement que d’habitude et s’en était allée, solitaire.

FIN

dimanche 19 juin 2011

For A Room


…pouvait lire la chose suivante :


En cette froide matinée de janvier, les rayons du soleil peinaient à percer à travers l'unique fenêtre de cette pièce aux murs de pierre. Elle était assise à son bureau et réfléchissait à la suite. Elle devait avoir tout au plus 25 ans et à cet instant sa main droite était négligemment posée sur un calendrier de 1971 qui trainait là. En l'observant, on remarquait que son vernis commençait à s'écailler à force d'utiliser son Olivetti Valentine. Elle s'était en effet enfermée ici depuis la veille et on commençait à percevoir des cernes sur ses yeux émeraudes. 


L'inspiration lui manquait, sa main gauche la cherchait en vain dans ses cheveux mi-long d'un rare éclat andrinople. Elle but une gorgée de son earl grey qui avait refroidit depuis la veille et recommença à taper quelques mots sur la machine à écrire. Puis quelques phrases, manifestement elle avait trouvé ce qu'elle cherchait depuis la veille. Le soleil émergeait de plus en plus vite au rythme frénétique des retours à la lignes si caractéristiques de l'Olivetti. Au bout de deux minutes elle s'arrêta, saisit la feuille à deux mains, souffla délicatement dessus. 

Sur la feuille qu'elle tenait fermement on…

vendredi 17 juin 2011

5,56

La goutte de couleur rouge remontait lentement sur la peinture blanche du mur. Au fur et à mesure de son ascension, l'épaisseur de la trainée qu'elle formait diminuait. Puis arriva le moment fatidique où elle ne forma plus qu'un unique point au niveau d'un trou de quelques centimètres de profondeur. C'est le moment que choisit un petit cylindre de cuivre pour sortir de son trou. À peine avait t-il quitté son abri, que des morceaux de plâtre s’empressèrent de boucher l'orifice mural. Le cylindre continuait inexorablement son chemin, on pouvait même remarquer une teinte amarante sur le devant de ce dernier, teinte qui manifestement ne le dérangeait pas…

K. dormait profondément sur le sol, il avait à ses côté le cadeau que Dylan Carlson lui avait récemment offert. Il était tard, K. décida donc de se lever. La goutte de couleur rouge remontait lentement le long de son oreille. Au fur et à mesure que K se relevait tant bien que mal, l'épaisseur de la trainée qu'elle formait diminuait. Lorsqu'il fut à mi-hauteur, il décida finalement qu'il valait mieux se poser sur son canapé. Il s'y traîna tant bien que mal, saisissant au passage le cadeau de Dylan. Il l'aimait vraiment ce présent, il l’aimait tellement qu'il le sera fort contre lui, allant même jusqu'à y poser ses lèvres.

Le cylindre avait entre temps pris de la vitesse. Il croisa au passage quelques gouttes de la même couleur que celles qui tapissaient plus tôt le plafond. Au fur et à mesure de ses péripéties elles se faisaient de plus en plus présentes. Le cylindre solitaire se dit que se serait là l'occasion de se faire ses premiers amis. Mais le dilemme ne dura pas, il avait un rendez-vous important, un rendez-vous avec ses origines ! Il approchait du lieu fixé quand soudain se fut le trou noir. Il était comme dans un cauchemar, tout était noir, gluant, mais l'atmosphère s'était étrangement réchauffée. Au final cette sensation de chaleur lui fit se sentir bien: c'était la première fois depuis qu'il quittait son abri de fortune. Mais aussi soudainement que le cauchemar avait commencé, un brusque froid le tira de ses songes, un froid quasiment métallique. Sa vitesse avait encore augmenté et il se mit rapidement à tourner sur lui-même, avant d'être immobilisé définitivement: il avait atteint ses origines.

Le doigt de K. relâcha doucement la détente, posa le fusil de Dylan et sa main effleura la lettre adressée à son unique ami: Boddah.

Kurt Cobain pensa ironiquement sous l'effet de l'héroïne : "Courtney va encore me tuer…"