Oeuvre de M. C. Escher

jeudi 23 février 2012

Antioche



La 98ème année du premier millénaire de notre ère, j’ai du mal à respirer. Je ne peux même pas distinguer le ciel. Au-dessus de moi s’entrechoquent les épées et les boucliers. C’est le vacarme.  Je commence à percevoir un goût chaud et salé dans ma bouche et je n’arrive toujours pas à dégager mon bras de sous cet homme. Il doit avoir tout au plus 20 ans, comme moi et me regarde. Ce Turc autrefois si fier, est presque risible à voir allongé sur le sol, une plaie béante à l’abdomen. Je crois cependant déceler une lueur de vie dans son regard, il a eu un sursaut, un peu de sang est sorti lors de la quinte de toux et je crois qu’il s ‘en est allé. Je cherche désespérément à apercevoir ce ciel, on dit que celui d’Antioche est un des plus beaux du monde. J’entends de grands bruits, on vient enfin de mettre les échelles sur les murs. Au même instant le croisé qui était au-dessus de moi s’effondre, manifestement atteint par un archer Turc. Il est tombé à côté de moi, mais à force de volonté il arrive à se relever tant bien que mal. Cependant une seconde flèche l’atteint au niveau du dos, il s’effondre sur moi. Son poids combiné à celui de l’armure est difficile à supporter, j’essaye tant bien que mal de le déplacer avec ma main libre. Cependant il parvient encore une fois à se lever, sa foi dans notre seigneur est donc bien grande. Il repart à l’assaut. En se relevant il m’a légèrement déplacé, me permettant de dégager mon bras gauche, je peux donc tenter de me retourner, et enfin apercevoir ce ciel. Mais mon armure est décidément trop lourde. Ça y est je ne sens plus ma jambe droite, les pointes des flèches y sont toujours fichées. Si je pouvais ramper jusqu’à une échelle, je pourrais peut-être m’en servir pour faire face au ciel. J’avance péniblement. Ça y est mon bassin me fait défaut, je dois perdre beaucoup de sang. J’approche de cette échelle par le côté, mais elle commence à bouger, et toute tremblante elle touche le sol, emportant ses occupants vers une mort certaine. Il me faut voir ce ciel, je ne supporte plus la vue de ce sol ensanglanté. Oh, ma vue se trouble, je n’ai plus la force d’avancer, je vais donc mourir ici. Ah si cet archer ne m’avait pas transpercé la jambe droite au moment de l’assaut… Ça y est je ne vois plus rien, j’entends toujours les sons des combats, mais ils sont atténués et résonnent dans ma tête. Je perds connaissance.
J’émerge lentement, les combats ont cessé, a-t-on pris Antioche ? À ma gauche je crois apercevoir un brancardier, j’essaye de l’appeler mais je n’arrive plus à produire le moindre son. Le temps passe, je ne saurais combien s’en est écoulé. On vient à moi, on me parle, je ne comprends rien. Je crois que l’on essaye de me retourner, je vais enfin admirer ce firmament. Ça y est je suis à présent sur le dos, je fixe le ciel.

Celui-ci est emplit de nuages, on ne peut distinguer le moindre carré de bleu.